Quelques mots d’histoire…

Le terme « Cadenède » (Cadeneda en occitan) signifie le lieu planté de « cades » c’est-à-dire de genévriers. Vous en trouverez dans les alentours et pourrez cueillir les baies noires pour vos recettes de gibier !

Dès le néolithique final (environ 3000 av JC), une station de plein air existait au-dessus du hameau actuel de Soulobres. C’est à une époque un peu plus récente qu’ont été élevés les 4 dolmens, sépultures mégalithiques. Le plus proche est situé à moins de 2 km de la maison. Vous pouvez vous y rendre en randonnée pédestre, en VTT, mais aussi en voiture par le passage sous l’autoroute avant le viaduc. De nombreuses haches de l’Age du Bronze ancien moyen (1500 av JC), visibles au Musée de Millau (place Foch), ont été trouvées aux alentours de la Cadenède, attestant ainsi qu’un habitat était déjà présent sur les lieux dans les temps les plus anciens (les positions hautes ont toujours été privilégiées pour mieux organiser sa défense contre d’éventuels assaillants).

La géologie, très complexe et très riche, a permis l’exploitation au cours des siècles de petites mines de cuivre, de plomb et surtout de barytine. Les affleurements blancs de ce dernier minéral sont visibles sur les corniches de la Cadenède qui donnent en contrebas sur la petite route de Peyre.

La « Boria de la Cadeneda », dont la silhouette se détache à l’horizon ouest de Millau, était autrefois fortifiée ; elle a gardé les apparences d’un ancien cloître.. Un acte de 1289 spécifie que le Mas de la Cadeneda faisait partie de la paroisse de Saint Pierre de Brocuéjouls. Magnifique petite chapelle romane que vous pouvez aller admirer, à deux pas de la culée nord du viaduc, promenade également possible à pied, en VTT ou en voiture. Cette chapelle a été construite au XIème siècle.

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La tour de la Cadenède est attestée par l’acte de 1289, ce qui prouve que la Cadenède eut le statut de fief au moins au cours du XIIIème siècle. Elle assurait la  protection des paysans de Soulobres et de Brocuéjouls lorsque ceux-ci étaient menacés par des attaques. Ceci fut particulièrement le cas au cours de la guerre de Cent Ans (XIV-XVème siècle) lorsque les paysans étaient attaqués par les Routiers. Quand ceux-ci n’étaient plus payés par les régiments pro-Anglais ou pro-Français, ils se rabattaient sur les populations civiles en razziant leurs biens c’est-à-dire ici, en premier lieu, leur cheptel ovin. Un jour que le seigneur était absent, une attaque réussit et les pillards prirent le troupeau de brebis. Arrivé peu après, le seigneur fut facilement informé du chemin pris par ceux-ci et les poursuivit. Il les rattrapa en haut de la côte de la Cavalerie et préféra payer la rançon proposée pour éviter un affrontement sanglant.

 

 

 

Le domaine a appartenu successivement à J. Tholose, de Castelmus en 1416, puis à Desirada Vincens en 1452, puis à J. Hugla, marchand de Montpellier, qui arrenta cette métairie à Jean Boyer en 1596. Puis il semble que la Cadenède ait appartenu au Couvent des Frères Mineurs de Rodez.

Mais c’est au XVIIème siècle, plus exactement autour de 1660, que l’ensemble va prendre sa forme définitive avec 4 corps de bâtiment encadrant une cour carrée, les deux échauguettes d’angle et la bretèche, construite alors au dessus du porche d’entrée, en système défensif. En effet, le propriétaire, François de Courtines, est puissant, puisque receveur des tailles pour la région de Millau. Il possède au moins une vingtaine de propriétés et devient officiellement le Bailly de Millau. Nous sommes sous Louis XIV… Il a pu voir ce type d’architecture à Paris et s’en est inspiré. Architecte et maçons ont été habiles puisque ce n’est qu’en observant attentivement que l’on reconnaît aujourd’hui les 3 maisons les plus anciennes qui forment l’aile nord (appartements Causse Rouge et Courtines) et l’aile sud (appartements Troubadours et Templiers). A noter qu’à gauche de la salle de fitness, la porte d’entrée de la chaufferie est datée avec certitude du XVème siècle. C’est le chantier de 166O qui a réduit de moitié sa largeur.

La famille de Courtines, devenue par la suite de Sambucy de Courtines, a son blason. Celui-ci figurait au dessus du portail d’entrée jusqu’en 1964, date à laquelle le propriétaire précédent le fit placer au-dessus de la cheminée de l’actuel salon Troubadours pour mieux le protéger. Ce blason est dit à « armes parlantes » : en effet, le nom de la famille Courtines signifie en même temps « oriflamme » ou « le dais » que l’on utilise pour protéger un notable ou un évêque lors d’un de ses déplacements. C’est ce dais qu’une main tient suspendu dans la partie supérieure du blason. En pointe, c’est-à-dire dans la partie inférieure du blason, il est à noter que figurent un globe terrestre surmonté d’une croix  et une lune d’argent (couleur gris métal). Ce dernier détail, la lune, a une signification : il ne pouvait être porté que par un Chevalier ayant combattu en Terre Sainte.

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Un bail à locaterie fut consenti à Pierre Boyer en 1749. La Cadenède est une ferme relativement importante avec ses 130 hectares mais ses revenus restent modestes, ne pouvant compter que sur la vente du lait et de quelques excédents agricoles.

 

Plusieurs faits divers sont relatés en 1732 puis autour de la Révolution, de braconnage, de ramassage de fruits et de récupération de bois pour le chauffage. Mais il ne semble pas qu’il y ait eu de violences particulières. Le 30 frimaire 1792, François Boyer, de la Cadenède, obtient un certificat de civisme accordé « pour cavalier élu » pour compléter le corps des chasseurs à cheval de « la montagne » pour le contingent de la Commune de Millau.

Le XIXème siècle va voir la Cadenède se dégrader progressivement car, propriété de familles n’habitant pas sur place, elle fut exploitée par des fermiers aux maigres revenus. Les films de Marcel Pagnol, comme Manon des Sources, nous permettent d’avoir une bonne idée de ce qu’était la dureté de la vie dans le monde agricole des régions peu fertiles. N’oublions pas que nous sommes en plein « Pays Maigre », nom donné par les Millavois en raison de la mince couche de terre au-dessus du roc.

Un avis d’adjudication est publié le 11 septembre 1858, dans l’Echo de la Dourbie, annonçant la vente de la maison

Les recensements nous permettent de connaitre les différents fermiers :

1836 : François Boyer

1856 et 1866: Jacques Barthe

1876 : Veuve Barthe, Angélique Pailhas

1886  et 1901 : Clément Barthe

1911 : Flavie Barthe

1921 : Charles Querbes

1931 : Léon Cassan

1936 et 1946 : Joseph Gaven

1954 et 1962 : Henri Daures

Au tout début du siècle, c’est donc la famille Barthe qui gère la Cadenède, et ses descendants Lucien et Suzanne, ayant rejoint aujourd’hui Millau, nous ont confié ces photos.

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cadenede_tab2photo prise en 1904

 

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La Cadenède avant l’incendie de 1910

Le journal « Le messager de Millau » daté du 6 août 1910 nous apprend que « Le samedi 30 Juillet 1910, vers 6 heures, le tocsin sonnait et mettait en émoi la population. Bientôt on apprenait que le feu s’était déclaré à la Cadenède, vaste maison de ferme située sur le point le plus élevé du pays maigre à 3 km de Millau. La maison forme un grand quadrilatère avec cour intérieure et tourelles aux angles. Le feu, qui a éclaté dans les granges, s’est développé rapidement et a rayonné autour de l’immeuble. Toiture, faîtage de la coquette tour, dont le pignon aigu dominait la vallée du Tarn, terrasse, étage, c’est en peu de temps un effondrement général.

Et la veuve Barthe, la sympathique fermière, et sa nombreuse famille se désolent devant ce terrifiant spectacle qui consume tout ce qu’ils possèdent. Pas d’eau, quelques secours impuissants des domaines voisins. Fort heureusement, la famille Barthe est assurée. Le propriétaire, M. Roger de Lahondes de Laborie, rentier à Mende, est également assuré. »

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Photos prises après l’incendie et  la    première restauration du XXème siècle, joie de vivre pour Juliette et Flavie en 1929.

Dans les années 1960, c’est la famille Daures qui sera la dernière à assurer l’exploitation de la ferme.

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En 1965, Jean-Pierre  Ficholle, industriel dans le plastique, achète la Cadenède avec sa femme. Celle-ci, Denyse, descendante d’industriels textiles a été cachée et ainsi sauvée pendant la seconde guerre mondiale au Domaine de la Barraque, près de Ste Eulalie de Cernon. Avec des moyens importants et un goût affirmé, ils ont entrepris de très lourds travaux de restauration, respectant bien le style de ce patrimoine.

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Nous avons nous-mêmes acquis La Cadenède en 2002, et poursuivons sans cesse les travaux de restauration pour rendre la maison plus accueillante pour les familles et groupes d’amis. Vous trouverez quelques photos de l’historique sur place.

Par  votre venue, vous contribuez ainsi  à rendre possible l’entretien et l’amélioration de ce morceau de patrimoine et d’histoire locale. Les prochaines opérations de restauration concernent les greniers à grain souterrains, la citerne d’eau et la cave à vin.(visibles à 150 m à droite de l’entrée du domaine).

Philippe Malaval

 Sources :
-Georges Girard, ancien archiviste de la ville de Millau

– Suzanne et Lucien Barthe
-Revue « Sauvegarde du Rouergue »
-Millau à travers les siècles, Jules Artières.
– Famille Eric Ficholle